vendredi 16 mai 2008

Porcelaine et méditation

Le monde se divise en deux catégories. Ceux qui vont aux toilettes et ceux qui en viennent.
Ensuite, il y a les hommes, et les femmes. Évidemment. Chaque sexe utile les lieux d'aisance de manières très différentes.

Il est d'acception commune que les hommes urinent debout et les femmes assises. C'est faux. Pour un homme uriner debout c'est comme avoir un 4x4 : le plus souvent ça ne sert à rien, mais il est content de l'avoir en cas de coup dur. Encore que, pisser contre un arbre au clair de lune est un plaisir millénaire, qui a traversé les âges. Mais l'homme moderne aime faire pipi assis. Pourquoi ? Quelle est la raison de cette évolution des mœurs ? Lui qui était si fier d'uriner debout !
La vérité est, qu'uriner assis, c'est contrer le problème le plus désagréable de la manœuvre : le retour de gouttes. Même en visant bien, la pression du jet (évaluée à 75 bars) provoque la dispersion de particules mouillées, par effet de rebond sur la faïence. Là, au choix, soit c'est la lunette qui prend, soit les chaussettes. Avec la libération des mœurs et la fin de l'esclavage de la femme par l'homme, cette dernière a pris la liberté de faire remarquer à son compagnon les traces d'urine sur la lunette.
« Espèce de gros porc [1], t'as encore pissé sur la lunette des toilettes ! Tu pourrais pas la relever pour pisser non ? Ça t'arracherait la gueule de l'essuyer ? »

Et donc disais-je, l'homme effrayé par de potentielles représailles féminines, a cessé d'uriner debout.
« T'as encore pissé à côté !
Ah non, c'est pas moi ! Je fais pipi assis ! »
Et toc ! Quand on vous disait que la chasse d'eau était trop puissante. Les gouttelettes sur le bord de la lunette, c'est de l'eau de toilette.

Si les jeunes demoiselles (et les moins jeunes) vont sensiblement plus souvent aux W.C. que les hommes, elles y passent aussi beaucoup moins de temps. Si si, je vous l'assure. Dans la mesure où, bien sûr, elles se contentent d'y faire ce pourquoi ces lieux ont étés prévus. En cas de toilettes équipés d'un miroir et d'un nécessaire de maquillage, prendre son mal en patience !
Ainsi lorsqu'une femme va au toilettes, elle ne dira rien. Par ce silence, il faut comprendre : « je vais m'assoir, baisser ma culotte, expulser toutes les substances inutiles à mon corps, puis remonter ma culotte. Si je suis de mauvaise humeur, il se peut que j'y aille aussi pour changer de tampon. » Au lycée, j'ai surpris l'une de mes camarades en train d'expliquer à une amie comment enfiler un tampon. Je me suis arrêté à « tu poses un pied sur la cuvette et hop ! »

Un homme, dans son infinie maîtrise de la grâce et de la préciosité dira du bout des lèvres : « je vais chier ! » Ou, si il manie l'humour tant vocal qu'anal, « je vais faire caca. » Amies lectrices, vous devrez alors lire entre les lignes. Ce qu'il veut dire par là, c'est « je vais squatter les chiottes pendant des plombes, le cul à l'air, une revue de merde entre les mains. »

Pour un homme, les toilettes sont un lieu de recueillement. Loin de son quotidien agressif et de sa pénible existence, il y trouve l'accomplissement d'une méditation intense . Ici rien ne l'atteint, l'homme laisse ses soucis devant la porte des W.C.. Il ne faut pas chercher une explication philosophique à cela. Exit Freud et son plaisir de se faire sodomiser par ses propres excréments (d'ailleurs, que l'on m'explique où l'autrichien a trouvé de la propreté là dedans). Il s'agit là du bonheur à l'état pur, rien de plus, rien de moins. Comment comparer la sensation de plénitude qui nous gagne, lorsque l'on s'installe confortablement à lire des revues, le séant vissé majestueusement sur le trône.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la cuvette de porcelaine dans laquelle on place tous nos excréments, s'appelle le Trône. Là dessus, on préside, on gouverne, on sublime ! En un mot, sur la cuvette des toilettes, le visage rougi par l'effort, l'homme est roi.
Alors, mesdemoiselles, mesdames, si votre compagnon part aux toilettes une revue sous le bras, ce n'est pas pour contrer une hypothétique pénurie de papier hygiénique, ni parce que le papier glacé est plus agréable que le rouleau de papier de verre qui serre habituellement à s'essuyer le derrière.

Chez certains individus du sexe masculin, le petit coin servira aussi de standard téléphonique. « Allô maman. Oui, je vais bien. Quoi ? Tu entends des bruits bizarres ? » Cependant, ces énergumènes restent peu nombreux.

Tant que je vous tiens, j'aimerais aussi comprendre pourquoi en société, ces demoiselles vont souvent aux toilettes en groupe. Une pour tenir la porte, l'autre pour découper les petites feuilles, et la troisième pour se soulager ?

Sur ce, je vous laisse méditer là dessus – un besoin urgent à traiter.


Colin VETTIER

[1] Ma petite amie me signale que peu de filles s'expriment en ces termes. Tout dépend du nombre d'année de vie commune je suppose.